En forme de performance, j’ai choisi d’orner de papier peint des lieux communs et des coins refoulés de la ville pour produire une inscription nouvelle et convoquer l’habiter en tant que fonction critique et poétique.
L’ignoré urbain devient soudainement familier et plus accueillant.
L’intérieur pénètre l’extérieur à sa façon : fleurie ou rayée.
Cette action est filmée et photographiée, afin d’en restituer une trace qui sera ensuite incorporée à une installation composée de tapisserie aux murs de la galerie, de photographies et d’un document vidéo.
Pour l’action elle-même, je peux être accompagné d’amis ou de participants.
Comme indiqué précédemment, de manière parallèle et mitoyenne, je photographie les restructurations urbaines, friches à ciel ouvert, immeubles anciens éventrés, bribes de vie en aplats aux murs, coins de cuisine fleuris, chambres rayées de rose, carrelage de salle de bain marbré bleu azur, formant autant d’empreintes visuelles et plastiques.
Pour finir de compléter le tableau, il s’agit de documenter sur un fait urbain général, récurrent dans les grandes villes et presque banalisé : la situation d’un individu ou d’un groupe d’humains, vivant dans la rue, pris au piège de sa condition de paria. Je repère l’habitat précaire et revient le photographier en principe au moment de l‘absence des habitants. Dans ce travail ce n’est pas le pathos véhiculé par les visages des personnes qui est important. Je crois que l’on peut parler d’un sujet avec sens et sensibilité, dans une forme de pudeur, sans pour autant user et abuser de la figure humaine.
Dans l’habiter, phénomène d’organisation spatiale, l’homme est partout, et s’inscrit dans toute chose placée par rapport à une autre.
Pour récapituler, tout est finalement regroupé, de façon cohérente : tapissage, photographie des murs des maisons éventrées, photographies documentaire de campements ou système d’habitat précaire. L’œuvre est polymorphe et fonctionne à la fois comme un tout mais aussi comme un polyptique. Le rendu (s’il y a rendu) consiste en une installation composée de douze photographies, d’une vidéo d’environ 15mn et d’un tapissage partiel du lieu d’exposition.
Tapisser la rue pour faire naître le « chez soi », photographier les intérieurs béants de ceux qui l’habitaient et les gites précaires de ceux qui y vivent réellement, matelas à l’air libre, toits de vent et de pluie, murs de carton ou de bois, H.A.B.I.T.E.R. est aussi l’occasion d’une déambulation mélancolique, un sentiment sur un certain état de la ville.
Patrice Loubon
Nîmes, 2010